Questions de société dans le cinéma
L'accélération de la mondialisation a amené son lot de bouleversements aux quatre coins du monde. Quêtes d'identité, migrations, conflit entre tradition et modernité… autant de thèmes présents dans ces films à la narration forte. Notre sélection vous propose une série de longs-métrages ayant pris le parti d'éclairer l'une ou l'autre des questions existentielles issue de notre monde contemporain.
Loin d'être exhaustif, ce choix de films a pour objectif d'illustrer la richesse du cinéma est-asiatique sur les questions de société, apportant souvent une manière originale d'aborder des problématiques qui nous touchent tout autant en Europe.
Nul film n'apparait aborder avec plus de force la détresse que peut générer notre société contemporaine que A Touch of Sin (2019) de Jia Zhang-Ke. Mêlant à dessein les styles du documentaire et de la fiction, le cinéaste originaire de la province chinoise du Shanxi s'est inspiré pour son scénario de quatre épisodes tragiques ayant secoué la Chine il y a une dizaine d'années. Quatre faits-divers d'une violence inouïe dont Jia Zhang-Ke s'est emparé pour essayer de comprendre comment des individus en sont arrivés à commettre des actes tels que le meurtre ou le suicide dans la société chinoise actuelle.
En passant du Shanxi à la ville de Chongqing, puis du Hubei au Guangdong, ce film offre au public le portrait d'une Chine contemporaine saisissante. Pour qui aimera mieux comprendre le travail de ce cinéaste à la notoriété reconnue au-delà des frontières chinoises, Le monde de Jia Zhangke de Jean-Michel Frodon offrira des clés de lecture essentielles pour une juste lecture de ses films.
Le récit de Byambasuren Davaa, Les Racines du monde (2019), capte à l'image la beauté des paysages mongoles. Verdure et pâturages immaculés y sont le domaine des communautés nomades. Un peuple au mode de vie traditionnel qui peine pourtant à défendre ses intérêts contre l'intrusion des entreprises étrangères venues en quête de ressources minières. La réalisatrice ne donne point de détail concernant « ces étrangers » venus détruire une terre qui ne leur appartient pas. D'eux on ne perçoit que leurs machines, hideuses et sources de mort.
Ce magnifique conte moderne semble, d'après l'anthropologue Charlotte Marchina – et dont l'interview est disponible dans les bonus -, fidèle à la réalité vécue par ces familles nomades. Les Racines du monde questionne notre rapport à la terre, de même qu'il interroge jusqu'où nous pouvons préférer les compromis à la défense de nos valeurs.
La réalisatrice Lulu Wang, américaine d'origine chinoise, nous propose au travers de L'Adieu (2020) une comédie d'inspiration autobiographique. Pleine de tendresse pour la relation entre une petite fille new-yorkaise et sa grand-mère de Changchun en Chine, cette histoire nous révèle avec justesse l'écart gigantesque qui peut exister entre la société chinoise et occidentale sur des questions telles que le rôle de la famille, le rapport à la mort d'un proche. Ce film interpelle à propos des conflits intérieurs que peut provoquer l'émigration. Le personnage principal, qui a vécu l'éloignement de sa famille comme une perte douloureuse, se fait percuter de plein fouet par les grands-écarts moraux qui existe dès lors au sein même de sa famille.
Les Contes cruels de la jeunesse d'Oshima Nagisa fait parti de cette Nouvelle vague japonaise du cinéma des années 60. Un cinéma d'après-guerre, plus expérimental dans les prises d'image et de son. Ce film, l'un des premiers du réalisateur, s'adresse indéniablement à une jeunesse troublée. Oshima s'adresse à eux et pour eux, ces jeunes dont le sentiment d'aliénation et de désespoir grandit chaque jour un peu plus. Beaucoup de violence accompagne un détachement à la morale établie par le passé. La jeunesse semble pleine d'une volonté d'indépendance et d'individualisme se retrouvant malgré tout dans l'obligation de se vendre et de vendre les autres pour survivre. Oshima ne pose pas de jugement sur la jeunesse, il essaye simplement de la dépeindre le plus justement possible. L'interview de Donald Richie disponible dans les bonus vient remettre en contexte l'œuvre d'Oshima dans le cinéma japonais des années 60.
Bien que ce film date d'il y a une soixantaine d'années, il est intéressant de voir les difficultés et les déceptions éprouvés par les jeunes japonais de l'époque. Ont-elles tant changé depuis… ?
Le film d'animation de Yeon Sang-Ho intitulé The King of Pigs (2012) est certainement moins connu que le très célèbre Dernier train pour Busan du même réalisateur. Néanmoins, il mérite sa place dans cette sélection. En effet, ce film terriblement cruel met en image un thème cher aux Coréens : la lutte des classes et l'injustice banalisée. L'histoire est racontée à travers Kyeong-min et Jong-seok deux anciens camarades de collègue renouant après un événement épouvantable. Ils reviennent sur les années de harcèlement organisés pendant qu'ils étaient à l'école. Ce film, dans une cruauté qui semble sans limite, met en image les inégalités dans la société coréenne qui ne sont que la continuité de ce qu'il se passe dès l'entrée à l'école.
Pour qui aimera découvrir des jeunes cinéastes chinois indépendants portant leur regard sur la Chine contemporaine, n'hésitez pas à vous intéresser à Écrans de Chine. Cette association propose un cycle de projections mensuel. Se déroulant au cinéma l'Entrepôt dans le 14ème à Paris, la projection est en principe suivie d'un débat avec le public. Le prochain événement se tiendra le 14 avril à 20h, et propose le visionnage de deux films, suivis d'un débat en présence du sinologue Cyrille Javary :
• Saveurs et Servitudes - À la découverte des coulisses d'un restaurant chao, de Feng Wang (52 min)
• Xixi, de Xiao-Tong Xu (44 min)
Camille & Clémence
Loin d'être exhaustif, ce choix de films a pour objectif d'illustrer la richesse du cinéma est-asiatique sur les questions de société, apportant souvent une manière originale d'aborder des problématiques qui nous touchent tout autant en Europe.
Nul film n'apparait aborder avec plus de force la détresse que peut générer notre société contemporaine que A Touch of Sin (2019) de Jia Zhang-Ke. Mêlant à dessein les styles du documentaire et de la fiction, le cinéaste originaire de la province chinoise du Shanxi s'est inspiré pour son scénario de quatre épisodes tragiques ayant secoué la Chine il y a une dizaine d'années. Quatre faits-divers d'une violence inouïe dont Jia Zhang-Ke s'est emparé pour essayer de comprendre comment des individus en sont arrivés à commettre des actes tels que le meurtre ou le suicide dans la société chinoise actuelle.
En passant du Shanxi à la ville de Chongqing, puis du Hubei au Guangdong, ce film offre au public le portrait d'une Chine contemporaine saisissante. Pour qui aimera mieux comprendre le travail de ce cinéaste à la notoriété reconnue au-delà des frontières chinoises, Le monde de Jia Zhangke de Jean-Michel Frodon offrira des clés de lecture essentielles pour une juste lecture de ses films.
Le récit de Byambasuren Davaa, Les Racines du monde (2019), capte à l'image la beauté des paysages mongoles. Verdure et pâturages immaculés y sont le domaine des communautés nomades. Un peuple au mode de vie traditionnel qui peine pourtant à défendre ses intérêts contre l'intrusion des entreprises étrangères venues en quête de ressources minières. La réalisatrice ne donne point de détail concernant « ces étrangers » venus détruire une terre qui ne leur appartient pas. D'eux on ne perçoit que leurs machines, hideuses et sources de mort.
Ce magnifique conte moderne semble, d'après l'anthropologue Charlotte Marchina – et dont l'interview est disponible dans les bonus -, fidèle à la réalité vécue par ces familles nomades. Les Racines du monde questionne notre rapport à la terre, de même qu'il interroge jusqu'où nous pouvons préférer les compromis à la défense de nos valeurs.
La réalisatrice Lulu Wang, américaine d'origine chinoise, nous propose au travers de L'Adieu (2020) une comédie d'inspiration autobiographique. Pleine de tendresse pour la relation entre une petite fille new-yorkaise et sa grand-mère de Changchun en Chine, cette histoire nous révèle avec justesse l'écart gigantesque qui peut exister entre la société chinoise et occidentale sur des questions telles que le rôle de la famille, le rapport à la mort d'un proche. Ce film interpelle à propos des conflits intérieurs que peut provoquer l'émigration. Le personnage principal, qui a vécu l'éloignement de sa famille comme une perte douloureuse, se fait percuter de plein fouet par les grands-écarts moraux qui existe dès lors au sein même de sa famille.
Les Contes cruels de la jeunesse d'Oshima Nagisa fait parti de cette Nouvelle vague japonaise du cinéma des années 60. Un cinéma d'après-guerre, plus expérimental dans les prises d'image et de son. Ce film, l'un des premiers du réalisateur, s'adresse indéniablement à une jeunesse troublée. Oshima s'adresse à eux et pour eux, ces jeunes dont le sentiment d'aliénation et de désespoir grandit chaque jour un peu plus. Beaucoup de violence accompagne un détachement à la morale établie par le passé. La jeunesse semble pleine d'une volonté d'indépendance et d'individualisme se retrouvant malgré tout dans l'obligation de se vendre et de vendre les autres pour survivre. Oshima ne pose pas de jugement sur la jeunesse, il essaye simplement de la dépeindre le plus justement possible. L'interview de Donald Richie disponible dans les bonus vient remettre en contexte l'œuvre d'Oshima dans le cinéma japonais des années 60.
Bien que ce film date d'il y a une soixantaine d'années, il est intéressant de voir les difficultés et les déceptions éprouvés par les jeunes japonais de l'époque. Ont-elles tant changé depuis… ?
Le film d'animation de Yeon Sang-Ho intitulé The King of Pigs (2012) est certainement moins connu que le très célèbre Dernier train pour Busan du même réalisateur. Néanmoins, il mérite sa place dans cette sélection. En effet, ce film terriblement cruel met en image un thème cher aux Coréens : la lutte des classes et l'injustice banalisée. L'histoire est racontée à travers Kyeong-min et Jong-seok deux anciens camarades de collègue renouant après un événement épouvantable. Ils reviennent sur les années de harcèlement organisés pendant qu'ils étaient à l'école. Ce film, dans une cruauté qui semble sans limite, met en image les inégalités dans la société coréenne qui ne sont que la continuité de ce qu'il se passe dès l'entrée à l'école.
Pour qui aimera découvrir des jeunes cinéastes chinois indépendants portant leur regard sur la Chine contemporaine, n'hésitez pas à vous intéresser à Écrans de Chine. Cette association propose un cycle de projections mensuel. Se déroulant au cinéma l'Entrepôt dans le 14ème à Paris, la projection est en principe suivie d'un débat avec le public. Le prochain événement se tiendra le 14 avril à 20h, et propose le visionnage de deux films, suivis d'un débat en présence du sinologue Cyrille Javary :
• Saveurs et Servitudes - À la découverte des coulisses d'un restaurant chao, de Feng Wang (52 min)
• Xixi, de Xiao-Tong Xu (44 min)
Camille & Clémence