Entretien avec K.Mics éditions
à l'occasion de la sortie de Léviathan : Deep Water T.1A l'occasion de la sortie du premier ouvrage de la toute jeune maison d'édition K.Mics, nous avons pu poser quelques questions à l'éditeur, resituées ci-dessous. Un grand merci à K.Mics de s'être prêté au jeu et bonne lecteur à vous !
Pouvez-vous vous présenter brièvement pour découvrir l’équipe derrière Kmics.
Je me nomme Franck de Crescenzo, je suis Président chez Decrescenzo éditeurs. Nous sommes une équipe spécialisée en littérature coréenne. Depuis plus de 10 ans, nous publions des romans, des nouvelles, des essais, de la poésie, et même une revue littéraire nommée Keulmadang.J’avais envie de créer une maison d’édition de manhwa et de webtoon depuis un moment. Nous avons donc remis l’idée de se lancer à l’ordre du jour et je suis devenu le cofondateur de Kmics éditions. Nous voulions une structure autonome, même si des passerelles persistent entre nos deux maisons d’édition.
Donc, les acteurs restent en partie les mêmes, c’est juste qu’une part de l’activité est partagée avec une autre structure dont la spécificité est le webtoon.
Nous sommes trois chez Kmics. Une personne en charge des droits et plus généralement de la gestion, une personne sur l’aspect éditorial et une partie de la communication, une troisième personne sur les réseaux sociaux et la relation librairie. Bien entendu, il y a beaucoup de polyvalences et d’entraide dans une petite structure comme la nôtre.
Comment s’est passé la création de Kmics ?
Kmics, qui ne portait pas encore ce nom, est un projet pas si récent. L’idée de publier du manhwa est une envie que nous avions dès 2017. Cependant, le moment nous semblait peu favorable. Les lecteurs, peu enclin à la littérature coréenne, ne l’étaient également pas pour la bande dessinée coréenne. Nous l’avons donc mis de côté pendant un moment, mais sans jamais ôter cette pensée de notre esprit.
Puis peu à peu, la Corée du Sud, sous d’autres aspects, a commencé à s’installer dans le panorama, notamment par l’intermédiaire du cinéma, des dramas et de la Kpop.
Fin 2021, début 2022, nous avons décidé de relancer le projet et repris le sourcing pour trouver des titres potentiels. C’est à partir de là que nous avons retenu une cinquantaine de série, et qu’une d’entre elles a particulièrement retenu notre attention, Léviathan Deep Water, de NOH Miyoung et LEE Gyungtak. Nous nous sommes lancés dans la négociation et avons acquis les droits à partir de juin 2022. Dès lors, le processus s’est accéléré, et nous sommes aujourd’hui en librairie. Le début de l’aventure en quelque sorte.
Pouvez-vous nous expliquer le choix de séparer Decrescenzo éditeur et Kmics ?
C’est un choix qui nous est apparu évident. Nous avons beau proposer de la « Corée », il n’y a pas d’autre effet d’unité à nos yeux. La bande dessinée est une activité différente de la littérature, et ce à tous les niveaux : les délais de traduction beaucoup plus courts, la préparation des planches très différente des maquettes de texte, le choix de couvertures, les réseaux de communication, la façon d’en faire la promotion, le type de salons auxquels participer, même la temporalité de publication d’une série est différente des temps longs de publication de littérature traduite. De fait, cela nous est apparu évident que publier de la bande dessinée était en quelque sorte un autre métier, et qu’en plus il nous fallait construire une identité propre. Ce que nous avons fait en créant une nouvelle maison d’édition indépendante.
Pourquoi se tourner vers les webtoon maintenant ?
Le choix n’est pas uniquement un effet d’opportunité, mais ne pas s’être lancé nous laissait un peu un goût d’inachevé. Le sujet revenait régulièrement sur la table pendant nos réunions éditoriales. Donc, cette décision n’apparait pas comme un changement mais plutôt comme une continuité dans l’idée de montrer la littérature coréenne dans sa diversité.
Comment envisagez-vous de vous différencier par rapport aux autres éditeurs de webtoon ?
C’est un sujet complexe auquel nous réfléchissons régulièrement. Est-ce qu’un positionnement « d’éditeur de bande dessinée coréenne » est suffisant ou faut-il détailler et creuser plus loin pour affirmer une ligne éditoriale ? Je pense que nos livres définiront aux yeux des lecteurs ce que nous voulons apporter. Doit-on uniquement proposer des titres ultra spécifiques mais à faible visée commerciale, ou doit-on publier uniquement ce que les lecteurs aiment et attendent ?
Une alternance des deux se fera probablement et le catalogue s’étoffera en fonctions de nos goûts respectifs. Il ne faut pas oublier qu’un succès permet souvent de soutenir des titres qui ont moins de potentiel commercial mais plus de portée symbolique.
Finalement, publier ce que l’on aime et réussir à partager ses goûts, c’est un peu le plaisir de l’éditeur.
Comment a été choisi votre premier titre Léviathan Deep Water ?
Il faisait partie de la liste de sourcing que nous avions élaboré. En consultant les planches et l’histoire, nous avons été emballés par la qualité narrative et visuelle. Il s’est très vite démarqué.
Il propose quelque chose de différent quant à son contenu, sa thématique et un webtoon quatre fois primé, ce n’est pas si fréquent. Nous n’avons pas hésité longtemps. Cependant, un autre éditeur s’était déjà positionné. Il a donc fallu surenchérir pour l’acquérir.
Pouvez-vous présenter ce webtoon pour celles et ceux qui ne connaitraient pas encore ?
C’est un webtoon postapocalyptique qui nous amène auprès des trois membres de la famille MA.
Le monde est entièrement immergé, plus une seule terre n’est visible à l’horizon.
Le quotidien de la famille MA se déroule sur une embarcation aussi grande qu’un timbre-poste qui leur sert de maison. Ils sont seuls, isolés au milieu de cette étendue bleue, mais très solidaires.
Pour survivre, il faut plonger dans les abysses et parcourir les restes des villes inondées où le danger est omniprésent afin de trouver de quoi subsister. Cependant, Teon, le père, Bota le fils et Rita, la fille et la plus jeune des trois, ne sont pas seuls. D’étranges monstres, les léviathans, sont tapis dans les eaux froides des vastes océans et attendent le moment propice pour attaquer...
Cela vous donne envie ?
Comment se sent-on de voir votre premier bébé disponible en librairie ?
Je suis plutôt habitué à voir arriver nos titres en librairie en littérature depuis plus de dix ans. Mais l’enjeu de cette première publication de webtoon, la découverte de ce nouveau métier, étaient tellement nouveaux qu’en dehors de l’euphorie d’avoir réussi à publier un livre que je trouve personnellement plutôt réussi, même si pas parfait, a fait place à l’angoisse de l’éditeur : va-t-il trouver son public ? Comment les lecteurs vont réagir ? Que vont-en penser les libraires ? Comment le faire connaître du plus grand nombre ? C’est donc un sentiment mitigé, mais le sentiment de satisfaction n’a pas le droit au temps. Il faut déjà travailler dur et préparer la suite.
Souhaitez-vous orienter vos choix vers un genre en particulier pour vos futures publications ?
Non, nous ne nous fermons à aucun genre, ni thème. Il y a suffisamment de possibilité pour n’en exclure aucun. Que ce soit romance, tranche de vie, action, arts-martiaux, science-fiction, ou des webtoons qui abordent des sujets plus sérieux, rien n’est exclu.
Quelles sont les spécificités d’édition liées au webtoon ?
La particularité de publier un webtoon est liée à la structure de celui-ci. Le webtoon est pensé, et donc dessiné, pour une lecture sur téléphone, tablette ou pc. Il est donc agencé pour le défilement sur écran. Il y a donc une temporalité dans le positionnement des cases et des blancs (vides) entre les cases qui rendent la lecture sur écran confortable. Ce n’est pas un simple scan issu d’un format papier piraté.
Quand on passe à la transformation pour un format papier, il y a un travail éditorial spécifique à réaliser qui permet de restructurer physiquement le support initial. Ce travail a pour objectif de produire des planches imprimables et rendre la lecture du livre agréable. Les blancs disparaissent, hormis certains layer et un enchainement de cases apparait sous format planche qui essaie de conserver l’aspect dynamique de la version en ligne.
Il y a donc un travail spécifique qui doit être fait, souvent par des studios spécialisés, pour produire un support de lecture dynamique et agréable, pourtant différent du format en ligne.
Pour notre première série, cela n’a pas été le cas. Nous avons acquis les droits auprès d’un éditeur qui avait déjà maquetté le titre et publié celui-ci au format papier. C’est donc un travail de lettrage qui a été fait par le studio. (Le lettrage consiste à insérer les textes traduits ainsi qu’à modifier les onomatopées de la langue source vers la langue de destination).
Est-il difficile de trouver des traducteurs dans ce domaine ?
Les traducteurs sont en fait nombreux. Pour autant, cela reste un type de traduction très différent de la traduction littéraire, donc des réseaux que nous fréquentons habituellement.
Beaucoup travaillent pour des plateformes en ligne mais ils sont rarement cités. Ils sont donc plus difficiles à identifier et à atteindre. Si certains d’entre eux nous lisent, qu’ils n’hésitent pas à nous transmettre leur CV.
La sortie du tome 2 est déjà annoncée pour le mois d’avril. Est-ce que vous pouvez nous parler de vos projets à venir ?
Oui, en effet, le tome 2 arrive en avril et le tome 3 devrait paraître en juillet.
Pour les autres projets, je ne peux pas trop m’avancer. Il y a des approches, des négociations, certains titres qui nous échappent, mais nous y travaillons.
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