La Chine moderne du XXe siècle a connu nombres de rebondissements politiques et sociaux. Les destins tragiques ne manquent pas et ceux-ci peuplent la littérature chinoise du siècle dernier. Il se trouve que la BD est également un magnifique véhicule de ces récits historiques, les dessins tantôt adoucissant le propos, tantôt le rendant plus tranchant encore. Dans cette sélection, nous vous parlons de celles qui nous ont marqué dans un ordre chronologique.  

Pour appréhender le passage clé de la fin de la dynastie des Qing à l'établissement de la première République (1912), le volume 5 de l'Histoire de la Chine en BD : La marche en avant - de la première République à la République populaire (1912-1949) est incontournable. Son auteur, Jing Liu s'attache à simplifier la chronologie et les faits pour permettre une compréhension globale facile de cette période mouvementée entre des changements politiques et sociaux radicaux, les guerres mondiales et l'impérialisme japonais.

Li Kunwu se penche lui aussi sur cette période charnière de la fin du XIX au début du XX et des conséquences psychologiques sur la population chinoise, paysanne, encore peu éduquée et plus facilement influençable. Avec Les pieds bandés, il raconte l'histoire de son ancienne gouvernante, Chunxiu dont les pieds furent brisés alors qu'elle n'était encore qu'une enfant. Le contraste entre les anciennes traditions, leur importance sur la vie des petites gens et ce changement imposé brutalement est dessiné d'une main de maître par ce grand auteur. Il met en avant l'horreur d'une pratique d'un autre temps, mais ne cherche pas à effacer les difficultés que produisirent l'annonce soudaine de la première République et le rejet total des anciennes traditions qu'elle apporta. Sa trilogue Une vie chinoise, tout aussi importante, se penche plus longuement sur la vie du jeune Li Kunwu des années 50 aux années 80, brossant ainsi une longue période, marquée elle aussi par de nombreuses tragédies.

Les années 1937-1945 évoquent la période du Deuxième Front uni en Chine. Les forces chinoises républicaines et communistes s’allient alors contre leur ennemi commun, les forces impérialistes japonaises. En même temps qu’Hitler déclare la guerre à l’Europe, les villes et campagnes chinoises sont les théâtres d’exactions de la part des militaires japonais qui marquent les esprits au fer rouge. La Balade de Yaya, une collaboration franco-chinoise en trois tomes, raconte la fuite de Shanghai de deux enfants issus de deux milieux sociaux radicalement différents. Une magnifique histoire d’amitié dépeinte par un coup de crayon d’une extrême douceur au contact des horreurs de la guerre.

Se déroulant à la même époque, Shanghai Dream (deux tomes) raconte l’histoire peu connue des Juifs ayant fui l’Allemagne pour Shanghai. Seul territoire qui leur était encore accessible hors de l’Europe en 1938, cet exode leur réservait souvent un accueil peu reluisant par les forces japonaises occupant alors Shanghai. Dans cette BD, on suit le destin d’un jeune cinéaste juif et allemand, qui fera tout pour réaliser le scénario de sa défunte épouse, en adaptant le scénario à la chinoise.

Une vie chinoise évoquée plus haut ainsi que le superbe album Au loin, une montagne...sont tous deux des œuvres autobiographiques se penchant sur la Révolution culturelle, ses malheurs et ses horreurs. Entre les délations, les séances d'auto-critique, les passages à tabac et la destruction d'objets et de bâtiments témoins d'une culture millénaire, il est parfois compliqué de continuer à lire. 

L’adaptation en roman graphique de La danseuse de Mao de Qiu Xiaolong est une vraie réussite ! Très fidèle au texte d’origine, cette enquête du très célèbre inspecteur Wen s’atèle à démêler une « affaire Mao » pouvant entacher l’image du parti bien après le décès du Grand timonier. Une manière de revenir sur les années extrêmement sombres de la Révolution culturelle desquelles le romancier Qiu Xiaolong fut lui-même témoin.

Des livres d'une grande richesse historique et graphique !