Focus sur le Lézard Noir, pour découvrir le Japon à la marge
Pour célébrer la présence du Lézard Noir à la Japan Expo, le plus grand événement autour du manga en France, nous vous proposons une présentation cette maison d’édition, unique en son genre.
Le Lézard Noir est créé par Stéphane Duval en 2004 alors que son intérêt pour la contre-culture japonaise a pris de l’ampleur à la suite de la découverte du travail de Suehiro Maruo sur les pochettes de disques au début des années 2000. C’est son univers si particulier qui a tapé dans l’œil de cet ancien disquaire et leur rencontre qui lance l’idée du Lézard Noir.
Dès le début, le Lézard Noir est loin du manga mainstream. Son créateur vient du monde de la musique, de l’art, du cinéma et de la littérature plutôt que du manga. Le nom même de la maison est un hommage direct à Edogawa Ranpo et Yukio Mishima, deux auteurs phares de la littérature japonaise. Avec Maruo et Ranpo en fond de décors, le thème est lancé : romantisme noir et Japon décadent !
Le catalogue débute donc avec des artistes contemporains et des mangas expérimentaux qui tiennent plus du livre d’illustration (Mutant Hanako de Akoto Aida, Ezumi, de Daisuke Ichiba) que du manga traditionnel. Entre l’ero guro*, le récit non conformiste, hardcore voire régressif, les publications restent pour un public adepte de mauvais genres.
C’est en 2015, quand sort Chiisakobé de Minetaro Mochizuki que débute l’ouverture du Lézard Noir vers un public plus large. La maison reste toutefois fidèle à son adn et les thématiques abordées restent sociales, tournées vers le Japon des marginaux et de la nuit. En 2009, le Vagabond de Tokyo, de Takashi Fukutani avait déjà amorcé une ouverture vers un public plus large. Bien que le personnage principal soit peu attrayant, maladroit et complètement obsédé par les femmes, il a bon fond et surtout, ce manga montre la « vraie vie » des « vrais gens », sans détour.
La Cantine de Minuit de Yaro Abe, continue sur la lancée de Chiisakobé en proposant de découvrir le Japon non pas comme un décor, beau et épuré, mais comme une entité constituée d’individus, portant chacun leurs expériences, leurs difficultés. Le récit met en avant des personnages marginaux qui se dévoilent avec humour et légèreté autour de repas partagés.
Le Lézard Noir développe également son catalogue grâce à une nouvelle génération de mangaka. Arrive ainsi les tranches de vie décalées de Keigo Shinzo, le dessin si délicat de Tsushika Nishimura, le talent de conteuse d’Akiko Higashimura, la sensibilité de Lemon Haruna ou encore l’humour de Yama Wayama. La maison ne renie pas non plus ses origines en éditant entres autres Je suis Shingo - qui a remporté le Prix du Patrimoine au Festival d’Angoulême en 2018, et plusieurs recueils du maître absolu de l'épouvante japonais : Kazuo Umezz.
Depuis le début de l’année 2023, le Lézard Noir a choisi de lancer une collection de petit format, plus classique avec Golden Gold de Horio Seita et Le roi des limbes de Tanaka Ai. Deux thrillers qui réussissent à amener quelque chose de nouveau dans la ligne éditoriale habituelle, élargissant encore un peu les possibles de la maison d'édition, tout en conservant une ambiance fantastique et mystérieuse correspondant bien à la maison.
Quelques coups de cœur de vos libraires :
- Tokyo Alien Bros, de Keigo Shinzo
- Hirayasumi, de Keigo Shinzo
- Chiisakobe, de Minetaro Mochizuki
- Le rakugo à la vie à la mort, de Haruko Kumota
- La femme serpent, de Kazuo Umezz
- Daruchan, de Lemon Haruna
- Elle ne rentre pas celle de mon mari, de Yakiko Gôto
Sources :
- Harukiya Full Manga Café : Un lézard Noir à Tokyo
- FOCUS#3 - Le Lézard Noir : Trajectoire d'un éditeur indépendant
*ero guro : mouvement artistique et littéraire japonais apparu vers 1930, combinant l'érotisme à des éléments macabres et grotesques dont la paternité est attribuée à l'auteur Edogawa Ranpo avec des romans ou nouvelles comme La Bête aveugle, L'Île panorama, La Chenille ou La Chaise humaine.