TOP BD Manga du mois de février 2024
Ce mois-ci, en plus des nombreuses suites de séries que j'attendais, j'ai pu me plonger dans l'histoire de Taïwan du XXe siècle grâce à plusieurs bandes dessinées que je vous laisserai découvrir ci-après. Quelques débuts de séries et one-shot qui me semblaient importants d'évoquer sont présents également, comme la nouvelle série des éditions Naban L'aigle écarlate et le yéti, ou encore My Dear Detective chez Ki-oon !
Bandes dessinée
A l'occasion de la venue de Yu Pei-Yun, scénariste du manhua Le fils de Taïwan, j'ai débuté le mois de février en me plongeant dans plusieurs bandes dessinées racontant des parcours de vie, dont les protagonistes se sont trouvés chamboulés, parfois irrémédiablement, par les changements politiques de Taïwan au XXe siècle. Oken, du jeune artiste Wu Shih-Hung, retrace l'enfance du poète taïwanais Yang Mu, né en 1940, entre la période coloniale, la guerre et la prise du pouvoir à Taïwan de Tchang Kaï-chek. Le jeune Yang Mu pose des yeux d'enfants, encore remplis d'innocence, sur la situation de l'île et sur ses habitants. C'est avec une honnêteté brutale qu'il fait ressortir l'absurdité des conflits, les violences dont sont capables les êtres humains, ou encore les fractures identitaires présentes à Taïwan. D'un autre côté, Yang Mu découvre la beauté et la force de l'Art, permettant de transcender sa douleur. Il s'agit pour moi d'un immense coup de cœur, dont le scénario intelligemment écrit par Wu Shih-Hung est doublé d'un style graphique original reflétant à merveille la poésie du cœur de Yang Mu.
Le fils de Taïwan est un manhua en quatre tomes retraçant la vie de Tsai Kunlin, ancien éditeur né dans les années 30 à Taïwan, alors sous occupation japonaise. Le premier tome couvre les années 1935 à 1950 ; le deuxième raconte son emprisonnement de 1950 à 1960 ; le troisième tome se déroule durant les années 1961 à 1969 et le dernier tome alterne entre les années 1970 et le présent.
La scénariste Yu Pei-Yun et le dessinateur Zhou Jian-Xin offrent ici un travail fantastique. En quatre tomes, tous dessinés avec des techniques graphiques différentes, nous sommes amenés à découvrir l'histoire mouvementée de Taïwan de manière précise et documentée. Les compléments historiques et les rappels chronologiques présents à la fin de chaque tome permettent de replacer les événements racontés, évitant ainsi de perdre les lecteurs peu familiers avec l'histoire de ce pays.
Loin de se contenter d'une approche didactique, la narration et l'évolution psychologique de Tsai Kunlin sont finement travaillées. La variété des styles graphiques permet également de changer la tonalité générale des tomes en fonction de l'âge de Tsai Kunlin et des événements qui frappent l'île.
Là encore, la complexité des identités constituant Taïwan se reflète dans les différentes langues présentes dans les planches (le japonais, le taïwanais, le mandarin).
D'albums biographiques, nous passons ici à une autobiographie, avec Formose. Lin Li-Chin y raconte son enfance tiraillée entre la culture taïwanaise de sa famille et le discours officiel de la dictature mise en place à l'arrivée au pouvoir de Tchang Kaï-chek. Propagande qui conditionnait les enfants dès leur plus jeune âge. C'est quand elle entre à l'université, à la fin des années 80, que son regard sur son propre passé s’étoffe.
Pour quelqu'un qui commencerait seulement à s’intéresser à Taïwan et à son histoire, l'album de Lin Li-Chin est excellent. Elle est claire, efficace et ne manque pas d'humour. Son style uniquement au crayon était pour ma part plus difficile à apprécier de premier abord, mais j'ai ensuite rapidement été prise par le récit et toute la richesse de la narration.
Dans un autre contexte, découvrez avec Lettres de Taipei le récit de la famille de Fish Wu. L'auteur témoigne de l'histoire tragique de sa famille complètement disloquée et ravagée quand le Parti communiste chinois prend le contrôle de la Chine. A l'époque, le grand-père et le grand-oncle de l'auteur se mettent à dos les dirigeants locaux, marquant le point de départ de l'écroulement familial, parallèlement à l'écroulement culturel provoqué dans le pays. La délation, les exactions et la violence décident le grand-père de Fish Wu, encore un jeune homme, à partir en exil à Taïwan. Il ne pensait pas qu'il ne reviendrait que des décennies plus tard... et que sa famille aurait à traverser des moments aussi terribles. Un dessin là encore un peu difficile d'accès mais qui n'affecte en rien l'émotion qui ressort des visages fatigués par les souvenirs tragiques.
One-shot
Quand la nuit tombe raconte l'histoire de Takaomi et d'Ao, désireux de se déclarer leur flamme, mais encore trop timides pour passer à l'acte. Un soir, alors qu'ils s'apprêtent à sortir tous les deux pour la première fois, leur vie bascule dans le chaos. Le père d'Ao est arrêté par la police pour le viol de la mère de Takaomi. La mangaka montre avec une immense sensibilité à quel point l'acte ignoble d'un adulte peut avoir des conséquences dévastatrices sur la vie des victimes, directes et collatérales. A noter également le talent de narratrice dont fait preuve Rie Aruga en se limitant à un seul tome pour parler d'un sujet aussi lourd. Un grand coup de cœur ! Âge de lecture conseillé : 14 ans et +
Nagahama to be, or not to be est l'histoire de deux amis d'enfance qui se rendent compte que leurs sentiments ne se limitent plus à de l'amitié. Cette réalisation est d'autant plus importante que la fin du lycée approche et qu'il est bientôt temps de prendre des décisions impactant leur futur à tous les deux. Qu'il est agréable de lire un récit où la relation se fait très naturellement, où l'homosexualité n'est même pas mentionnée comme un obstacle et où la solution à tous les problèmes est la communication. Mis à part les décors, parfois un peu trop absents à mon goût, la finesse des visages et des expressions m'a beaucoup plu. Âge de lecture conseillé : 14 ans et +
Débuts de séries
My Dear Detective utilise l'histoire de Mitsuko Hoshino, première femme détective du Japon, pour proposer un polar de prime abord plutôt léger, mais qui permet d'observer et de réfléchir au Japon des années 20, alors en pleine évolution. Sans oublier que pour une femme désireuse de travailler tout en étant prise au sérieux en tant que détective n'est pas chose aisée à cette époque. Chaque chapitre est une enquête en soi, durant laquelle Mitsuko Hoshino, accompagnée de son assistant drôle et troublant, prend conscience de son parcours sortant de l'ordinaire. Un premier tome intéressant, à suivre ! Âge de lecture conseillé : 14 ans et +
Mentionnés dans l'introduction de ce top, les deux premiers tomes de la série de 10 volumes L'aigle écarlate et le yéti : vies de chasseur dans les terres du Nord sont sortis en fin de mois. Dans ce manga, nous suivons le jeune noble Ritzhard, héritier des terres du Nord, et Sieglinde, une ex-militaire pour qui la vie a perdu son sens. Tous les deux se rencontrent à l'occasion d'un bal organisé par des associations de grandes familles. Rizthard tombe sous le charme de Sieglinde et lui propose de l'épouser. Elle accepte à condition de bénéficier d'une période d'essai pour vérifier leur compatibilité à vivre ensemble. Sieglinde découvre une autre manière de vivre au jour le jour, en interdépendance avec la nature. L'arrivée d'une étrangère n'est pas au goût de tout le monde, mais la jeune femme ne se décourage pas. Elle a soif d'apprendre et désire comprendre Ritzhard et les habitants de son royaume arctique. Une belle tranche de vie prometteuse au scénario très fluide et agréablement déroulé. Âge de lecture conseillé : 14 ans et +
Suites de séries
J'ai lu le tome 2 de Country Diary, qui marque également la fin de cette duologie. Nous continuons d'être les témoins de l'adaptation paisible et heureuse de Kurumizawa, ancien professeur, parti vivre à la campagne. Usa, jeune artisan local très tranquille, toujours prêt à donner un coup de main dans le village, continue de partager son quotidien en l'aidant dans la rénovation de sa maison et dans son intégration dans le village. C'est un manga "tranche de vie" extrêmement bienveillant, où les habitants s'entraident et communiquent la joie et le bien-être qu'ils tirent de cette vie simple, en accord avec les saisons. Âge de lecture conseillé : 14 ans et +
Akane Banashi fait partie des séries dont j'attends toujours le nouveau tome avec impatience. J'ai donc naturellement sauté sur le volume 4, sorti au tout début du mois. Il me tardait de retrouver Akane et la joyeuse bande des apprentis de Maître Shiguma, d'autant que le volume 3 s'arrêtait juste avant l'annonce de résultats importants. Scénarisé et dessiné comme un pur shōnen, le rakugo continue de me faire vibrer avec Akane Banashi ! Si vous aimez l'action et les aspects plus traditionnels de la culture japonaise, lancez-vous sans crainte dans ce manga, adapté à un très large public. Âge de lecture conseillé : 12 ans et +
On change de genre à présent, avec Golden Gold, une autre série que j'apprécie particulièrement, dont le tome 5 vient de paraître. Ruka vit avec sa grand-mère qui tient une petite pension un peu branlante, sur l'île de Neijima. Partie à la pêche aux huitres sur les côtes, elle trouve une curieuse statuette toute fripée, qui se révèle rapidement être un fukunokami, une divinité du bonheur. Mais est-ce vraiment le bonheur que lui apportera cette trouvaille...? Dans ce manga, la tension grimpe petit à petit, reflétant l'emprise insidieuse de la divinité sur l'entourage de Ruka d'abord, puis sur la ville entière. En plus de se révéler un véritable thriller, on peut noter la réflexion sous-jacente sur la place de l'argent dans nos sociétés, souvent confondue avec la possibilité de connaître le bonheur. Âge de lecture conseillé : 14 ans et +
Nous terminerons avec un peu de science-fiction. J'ai lu le tome 3 du manga Le roi des limbes, qui poursuit sur sa lancée. Bien qu'il gagnerait en intensité à être lu d'une seule traite - d'autant que la série sera complète en seulement 6 tomes - j'aime me glisser aux côtés d'Adam et de Rune, qui continuent à mener l'enquête sur la réapparition de la très dangereuse maladie du sommeil. Ce mal plongeant les malades dans une torpeur mortelle ne serait peut-être pas de retour par hasard... Un scénario digne d'un thriller de SF écrit d'une main de maître ! Âge de lecture conseillé : 14 ans et +
Le tome 4 de Léviathan : Deep Water a clôturé mon mois de lecture. Si ce n'est le fanservice parfois un peu agaçant, heureusement léger, ce webtoon confirme sa position de meilleur webtoon du rayon (remarque hautement subjective évidemment). Il plaira sans aucun doute aux amateurs de récits survoltés se déroulant dans un futur probable grâce aux très nombreux affrontements entre les léviathans - créatures titanesques et effrayantes des abîmes - et les harponneurs, dont font parties nos héros. Les couleurs donnent une intensité redoublée aux scènes de combats, surtout quand ils ont lieux sous l'eau...! Âge de lecture conseillé : 14 ans et +
N'hésitez pas à m'écrire par mail pour discuter de vos meilleures lectures en bande dessinée ou en manga.
Bonnes lectures !
- Clémence