La Corée du Sud d'après guerre, déchirée par de multiples conflits internes
La Corée connait un XXème siècle douloureux. Dès 1910, le Japon annexe la péninsule et la déclare territoire nippon et ce jusqu'à la Libération, en 1945. Sans trêve, des tensions internes s'exercent entre le sud accompagné des États-Unis, et le nord accompagné par l'URSS. S'ensuit la guerre de Corée qui encore aujourd'hui, n'est officiellement pas terminée.
Dans ce dossier, nous nous intéresserons aux conflits "cachés" qui ont eu lieu avant et pendant la guerre ainsi qu'à la seconde moitié du XXème siècle en Corée jusqu'à aujourd'hui.
En effet, la Corée du Sud a parcouru un long chemin. Pays dévasté en 1953, aujourd'hui 11ème puissance mondiale. Mais à quel prix ? Comment s'est déroulé le tournant vers la démocratie, finalement très récent ? Qu'en est-il aujourd'hui dans une société coréenne hyper développée mais qui pourtant permet les erreurs de gestion comme celles du naufrage du Sewol en 2014, causant ainsi la mort de plus de 200 jeunes ?
Il y a de quoi s'interroger. C'est ce que nous vous invitons à faire à l'aide de ces propositions de lecture, qui pourront vous éclairer ou vous accompagner dans votre désir de mieux connaitre et comprendre l'histoire ambivalente de la Corée du Sud, pays si riche culturellement, si vivant, si surprenant et attirant ! Néanmoins, il est nécessaire de découvrir les aspects moins reluisants d'un pays pour pouvoir le comprendre davantage.
Avant et pendant la guerre de Corée
L'histoire retient évidemment la date cruciale du 25 juin 1950, soit le début de la guerre de Corée. On oublie bien souvent qu'entre la Libération et la guerre, quelques années se sont écoulées. Des années durant lesquelles un gouvernement provisoire coréen s'était mis en place. Or déclaré trop à gauche par les États-Unis, celui-ci est évincé au profit de celui de Rhee Syngman en 1948.
Cette année-là, son gouvernement réprime violemment une révolte paysanne sur l'île de Jeju, entraînant un grand nombre de morts. Cet événement tragique est relaté dans la sublime bande-dessinée Jiseul mais également dans le roman de Lisa See L'île des femmes de la mer. Il est aussi au cœur du dernier roman de Han Kang, Impossibles adieux.
Ce genre de drame n'est malheureusement pas isolé. On citera notamment le massacre de la ligue Bodo, mis en image par le très talentueux Park Kun-woong dans Mémoires d'un frêne (dont on aura l'occasion de reparler plus tard). Dans cette bande-dessinée, il dépeint la liquidation physique de dizaine de milliers de civils par l'armée sud-coréenne, civils supposés communistes ou sympathisants en 1950.
Park Chung-hee, premier coup d'état militaire
Après la mort de Rhee Sungman et quelques années de flottement, Park Chung-hee, alors général militaire, prend le pouvoir appuyé par l'armée. Commencent alors les années de grand développement économique de la Corée. Encore aujourd'hui, beaucoup sont reconnaissants à Park Chung-Hee pour avoir sorti la Corée du Sud de la pauvreté. Malheureusement, la situation sociale du pays est catastrophique. C'est une véritable dictature qui s'installe alors, se durcissant dans les années 70 jusqu'à l'assassinat du général par son garde du corps (à voir : le film The President's Last Bang). Ces années marquent le sacrifice de milliers de Coréens dans les usines et la présence militaire constante et menaçante. Vous pouvez retrouver cette période dans plusieurs romans tel que La chambre solitaire [plus disponible] de Shin Kyung-sook ou bien Le chant de la Terre, de Lee Seung-u mais également dans Théâtre de Résistance de Kim Chi-ha, recueil de plusieurs pièces qui coûteront à l'artiste tortures et années de prison.
En bande dessinée, la cruauté que fait subir le dictateur au peuple coréen est formidablement illustrée par Park Kun-woong dans Un matin de ce printemps-là, qui raconte l'enlèvement puis l'exécution sommaire de huit hommes sacrifiés pour la sécurité du gouvernement.
Chun Doo-hwan et durcissement de la dictature militaire
Après l'assassinat du dictateur précédent, la démocratie en Corée connait ses premiers balbutiements, stoppés net par Chun Doo-hwan, connu en particulier pour la répression dans le sang du soulèvement Gwangju. Celui qui revient, roman de Han Kang, Là-bas, sans bruit tombe un pétale de Cho'e Yun ou bien Le vieux jardin de Hwang Sok-young, parlent chacun à leur manière de cet épisode inscrit au fer rouge dans l'histoire de la Corée.
Les années 80 sont également présentes dans Traité comme une bête [plus disponible] de Park Kun-woong dans laquelle il raconte les 22 jours de prison, de tortures et d'horreurs vécues par Kim Keun-Tae, un des leaders du mouvement démocratique coréen. Le style cru du bédéiste accentue encore le sentiment glaçant provoqué par la lecture de ce "compte-rendu".
Pour en découvrir davantage sur les mouvements étudiants qui ont poussé la Corée du Sud vers la démocratie, l'ouvrage Mouvements étudiants en Corée du Sud, de Hyun Jeong-Im sera ce qu'il y aura de mieux si vous souhaitez sortir du format littéraire ou de la bande dessinée.
Pour clôturer le XXe siècle, nous terminerons par Ma vie en prison de Kim Hong-mo, qui raconte son expérience en maison de redressement dans les années 1990. Là-encore, malgré un progrès significatif vers la démocratie, on peut voir au travers de son témoignage la peur que produisaient les étudiants du mouvement avec leur prises de parole et l'influence positive qu'ils exerçaient. Un très bon ouvrage vivement conseillé !
Qu'en est-il de nos jours ?
La Corée du Sud a énormément évolué, pour le mieux. La démocratie s'est installée, un calme relatif est conservé entre le nord et le sud. Et pourtant... de nouvelles questions se posent. Tout d'abord en lien avec le monde du travail. Depuis quand les syndicats existent-ils au pays du matin calme ? La corruption est-elle toujours d'actualité ? Ne considère-t-on pas la croissance et le profit comme plus importants que l'humain de nos jours ? Autant de questions qui nous poussent, nous aussi, à la réflexion et qui sont abordées dans les bande dessinées Le parfum des hommes de Kim Su-bak ou dans Intraitable, de Choi Kyu-sok, ou encore dans les romans de Chang Kang-myoung, Génération B et Parce que je déteste la Corée.
Enfin, pour terminer cette sélection (non-exhaustive), nous vous dirigerons vers le bouleversant roman de Kim Takhwan Les mensonges du Sewol, qui vous plongera de nouveau dans l'incroyable ingérence de l'affaire du ferry au sud de la péninsule en 2014 et qui a conduit aux décès tragiques de plus de 250 lycéens... Un drame très récent qui pose encore beaucoup de questions sur la prise en considération des citoyens coréens par un gouvernement qui aurait tendance à oublier les hommes au profit l'argent... Ce tragique événement est également mentionné dans un chapitre du livre Sud-coréen, de Frédéric Ojardias.