Bilan des lectures de Laura #7

Commençons nos aventures livresques par la Chine !
L'hôtel du cygne est un court roman de Zhang Yueran. J'avais déjà lu quelques nouvelles d'elle en chinois et tenté de lire Le clou, mais je l'avais laissé de côté car je n'arrivais pas à rentrer dedans. Je trouve que Zhang Yueran excelle plus dans les nouvelles et les courts romans que dans les romans plus longs. Dans ce roman, nous suivons Yu Ling, la nounou d'un petit garçon nommé Dada, enfant issu d'une riche famille pékinoise. Yu Ling est au centre de la vie de Dada, ses parents étant bien trop occupés par leurs diverses activités. Un jour, Yu Ling emmène Dada faire un pique-nique. À leurs côtés, se trouve un homme nommé Monsieur Courge qui semble attendre quelque chose. On comprend très vite que Yu Ling et Monsieur Courge ont l'intention de kidnapper Dada et de demander une rançon à ses parents. Mais voilà que leur plan tombe à l'eau car les parents de Dada sont arrêtés par les autorités pékinoises.
C'est un roman que j'ai beaucoup aimé, dès les premières pages, j'étais captivée par l'histoire avec l'envie de savoir ce qu'allait faire Yu Ling. C'est un personnage complexe, qui transpire la solitude et la tristesse, et dont on va apprendre le passé petit à petit.
"Le malheur est la chose du monde la mieux partagée. Moi je ne m'occupe que de ce qui est à ma portée."
Comme chaque mois, j'ai bien sûr fait un saut au Japon pour découvrir quelques sorties récentes.
J'ai lu le quatrième titre de la nouvelle collection des éditions Hauteville nommée Kibun : Le merveilleux restaurant des souvenirs de Yuta Takahashi.
J'avoue aller à reculons vers ce genre de titre à présent. Il en sort quasiment un tous les mois, beaucoup se répètent et l''ensemble sonne assez creux au final. Mais j'aime beaucoup la traductrice de ce roman, je me suis donc lancée ! Ce fut une lecture agréable qui sort un peu du lot dans cette vague de ce qu'on nomme à présent la “healing literature”. Kotoko est une jeune femme qui vient de perdre son frère dans un terrible accident. Elle vit avec la culpabilité d'être responsable et d'avoir détruit sa famille. Un ami de son frère lui parle d'un restaurant un peu spécial, Chibineko, où l'on peut revoir le temps d'un repas un proche regretté. Elle s'y rend donc et y est accueillie par le chat du restaurant, Chibi, et le fils de la propriétaire, Kai. Ce dernier lui prépare un repas significatif : un repas que son frère lui préparait souvent de son vivant. C'est un roman qui narre trois histoires de deuil où l'on va recroiser Kotoko à chaque fois. Il y a des passages très touchants sur comment dire au revoir à l'autre, comment avancer. Il y a des petits moments suspendus hors du temps, d'une grande délicatesse. Mais je dirais que ce que j'ai aimé le plus, c'est sans doute d'en apprendre plus sur la cuisine et en particulier sur des recettes typiques de la préfecture de Chiba.
Dans une toute autre ambiance, j'ai découvert l'écriture d’Émilie Desvaux avec Le ciel de Tokyo. Tantôt rugueuse, tantôt poétique, j'ai été charmée par cette plume qui nous entraîne dans un monde brumeux, dans un Tokyo sale et délabré, où des étrangers, des gaijins, se retrouvent sans but à errer et chercher un sens à leur vie. J'ai bien aimé l'ambiance du roman, toutefois, j'ai eu du mal à apprécier les personnages. Le rythme du récit est assez lent, contemplatif mais c'est sans doute aussi un effet de style qui nous plonge dans cette espèce de torpeur qui hante nos personnages. C'est un roman marquant par son ambiance et son style, ce qui prend le pas sur l'histoire.
"À Asakusa, seul le silence subit des cigales annonçait le soir. Le ciel mielleux se penchait alors sur la ville et engloutissait une à une les ruelles obliques, aveuglant les carrosseries des voitures et les vitrines des échoppes à souvenirs, du sommet des immeubles aux toitures recourbées des sanctuaires, sur lesquels il pâlissait, roulait tout à coup sur lui-même comme un poisson asphyxié, dans un bain de cendres et de lavande flétrie."
Je suis ensuite partie du côté du Vietnam, cela faisait longtemps ! J'avais beaucoup aimé Le parc aux roseaux de Thuân, j'avais donc hâte de me plonger dans son nouveau roman, B-52 ou Celle qui aimait Tolstoï, rédigé en français contrairement au reste de son œuvre !
Thuân nous raconte l'histoire d'une jeune médecin vietnamienne qui doit s'occuper d'un prisonnier américain de la prison de Hao Lo, à Hanoï durant la guerre. Le roman commence par la fin de l'histoire et est parsemé de nombreux flashbacks, ce qui crée une narration très dense. On suit cette femme qui tente de rester celle qu'elle est sans être entachée par des histoires familiales ou par le gouvernement de son pays. L'autrice parvient à construire de nombreuses intrigues secondaires qui nous entraînent dans la vie de personnages marqués par la guerre et par l'histoire de leur pays. Elle manie l'ironie avec brio ce qui donne un petit côté grinçant, voire mordant à certains passages. En une centaine de pages, l'horreur de la guerre et de ses conséquences sur l'homme nous est dépeint.
Du côté de la jeunesse, j'ai découvert ce magnifique album : Toto de Yum Hyewon.
Toto est un album très touchant sur l'acceptation de ses différences quand on est petit et que le regard de l'autre commence à avoir un impact sur nous. Une petite fille a une tâche de naissance qu'elle nomme Toto. Toto est là depuis toujours, mais petit à petit, cette petite fille se demande à quoi elle ressemblerait si Toto disparaissait. Sera-t-elle plus jolie ? Elle cache alors sa tâche sous sa frange. Cette petite fille fait son entrée à l'école et devient tout de suite amie avec Margot. Et quand cette nouvelle amie découvre Toto, elle lui transmet une information des plus incroyable qui va changer le regard qu'elle porte sur Toto ! Cet album est très émouvant, car on se rend compte à quel point le regard des autres ou le fait de ne pas croiser des gens avec des différences, peut impacter notre confiance en soi, surtout petit, à une période où l'on se construit. Le dessin dans des nuances de gris est hyper doux et naïf, et offre un joli contraste avec Toto qui est d'un rose vif. J'ai aussi adoré le mot de l'autrice à la fin.
©Yum Hyewon, éditions Des éléphants,
Toto
, 2025
©Yum Hyewon, éditions Des éléphants,
Toto
, 2025