Compte-rendu de la rencontre avec Clément Fabre autour de son livre "A l'ombre de la race : Chine : XIXe siècle : Une autre histoire des savoirs sur les corps"

Le vendredi 14 novembre 2025, nous avons eu le plaisir de recevoir Clément Fabre pour une rencontre autour de son livre A l'ombre de la race : Chine, XIXe siècle : une autre histoire des savoirs sur les corps paru en septembre 2025 aux éditions du CNRS.
Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Paris Est Créteil (UPEC), Clément Fabre est également pigiste collaborateur et membre du comité scientifique du Magazine l’Histoire.
Son ouvrage, A l’ombre de la race correspond à une version retravaillée d’une thèse qu’il a soutenu en 2022 sous le titre « La Chine à fleur de peau : agents d’influence anglophones et francophones en Chine et différence chinoise des corps (es années 1830 au début des années 1920) » sous la direction de Pierre Singaravélou et d’Anne Carol. Thèse qui a été récompensée par les prix Jean-Baptiste Duroselle d’Histoire des relations internationales et Dominique Kalifa d’Histoire du XIXe siècle.
Après un premier travail sur la langue chinoise à Paris au XIXe siècle, au cours duquel il a été amené à s’intéresser aux écrits d’interprètes du Ministère des Affaires étrangères et de Missionnaires déployés en Chine à cette époque, Clément Fabre s’attache ici aux savoirs pratiques produits par ces « agents d’influences », ces diplomates, missionnaires et médecins qui ont fait l’expérience corporelles et sensorielles de la Chine au XIXe et XXe siècle.
A l’occasion de cette rencontre, Clément Fabre nous a exposé sa démarche et ce qui l’a motivé à faire ce « pas de côté » vis-à-vis de l’histoire ethno-raciale occidentale : le constat d’une absence de limitation aux stéréotypes ethno-raciaux dans les écrits de ces agents d’influence.
A partir de l’étude d’archives diplomatiques, de sociétés missionnaires et de médecines occidentales, l’auteur expose ainsi la fascination de ces agents d’influence pour les pieds bandés des Chinoises et l’intérieure de la Cité interdite, leur attachement à la description des stéréotypes sensoriels associés aux Chinois, ainsi qu’à l’analyse de la discipline corporelle chinoise se traduisant par une étiquette profondément codifiée. Tout cela dans le but premier de constituer une littérature prescriptive à destination même de leurs confrères afin qu’ils soient en mesure de mener leur mission d’influence, puis dans un second temps, de s’établir comme références de la sinologie de terrain face à des sinologues de cabinet en recyclant ces mêmes productions et en les adaptant à un public métropolitain.
De Arthur H. Smith et ses Chines Characteristics, à Peter Parker, George Soulié de Morant, William Lockhart jusqu’à Victor Segalen, l’auteur explique la manière dont ils profitent de leurs années passées en Chine afin de s’établir comme des autorités dans le domaine de la sinologie, notamment par la production de connaissances, mais aussi de récits et de romans, issue de leurs propres expériences interpersonnelles, sociales, professionnelles et corporelles, qui leur permettent par la même occasion d’assouvir des fantasmes et des ambitions personnels.
Enfin, cette rencontre fut une occasion précieuse d’échanger avec l’auteur sur le sujet peu étudié de l’histoire des corps et des savoirs produits par les occidentaux en Chine à travers leur vécu et leur ressenti, mais aussi de découvrir une autre facette de l’histoire de la présence occidentale en Chine au 19e et 20e siècle, sans pour autant minimiser la violence de cette pénétration étrangère sur le sol chinois.
